Comment communiquer avec les : « ça a toujours été comme ça », « on ne peut rien y faire », « le règlement c’est le règlement », « il faut bien que je fasse mon métier » ?

1 mars 2024 par
Geneviève Smal
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On en croise partout, ceux qui se retranchent derrière une fonction, une loi, un règlement intérieur ou même une coutume ou une convention.

Ceux qui ne prennent pas de décision parce qu’elles ont déjà été prises pour eux et qui surtout ne veulent pas la remettre en cause. Même si ça pénalise un interlocuteur, pourrit les relations de voisinage, sanctionne un élève, met à mal un client, condamne une relation.

 

Le cynique Cheval, dans Le Dîner de Cons.

Les « c’est comme ça, je ne peux pas changer la loi quand même » coincés dans leur rigidité et dans leur manque d’engagement ne se cachent même pas, gênés qu’ils pourraient être de mettre dans l’embarras le quidam qui leur demande un service (Vous n’y pensez pas ! Si ça se sait, si je le fais pour vous, je dois le faire pour tout le monde !).

Ils cultivent leur manque de bon sens, souvent les mâchoires serrées, fiers de leurs principes (un principe, ça ne se discute pas) et de leurs certitudes.

C’est souvent les mêmes qui se camouflent derrière un rôle : l’agent, le curé, le prof, le directeur, le vigile, voire le « rôle » masculin ou féminin.

Dans tous les cas, ils ne sont pas responsables, ce n’est pas eux qui ont choisi, pensez-vous. Mais « mon chef à dit », « l’ordinateur a détecté », « ce n’est pas moi qui fais les lois » revient couramment dans leurs arguments. Et bien sûr, hors de question de faire les choses à moitié : si vous entrez dans cette agora, vous devez tout accepter. Si vous endossez une religion, vous l’appliquez à la lettre. Le savoir-vivre ? C’est tout ou rien. On ne peut pas piocher comme ça comme on veut. Mais qu’est-ce que vous croyez ?

Parce que le « c’est comme ça » va en plus vous culpabiliser. Vous manquez d’intégrité, vous ne pensez pas aux autres, pire : vous voulez des privilèges.

Souvent, après une conversation avec un « c’est comme ça » on ressent un léger malaise.

Au mieux, vous avez identifié le phénomène et pouvez murmurer : quel crétin, vivement que je me sauve.

Fuyez si vous le pouvez.

 

L'angoissant pion Argus Rusard, dans Harry Potter

Mais si « C’est comme ça » est planté sur votre route, et que vous ne pouvez l’éviter, voire si vous l’avez chez vous, à demeure, parmi vos meubles, si c’est votre conjoint (et je ne peux que soupirer devant votre manque de discernement lorsque vous l’avez élu), voici quelques petits trucs pour le comprendre et surtout le supporter.

Le « C’est comme ça », qui parsème son discours de « On ne peut pas dire que c’est ma faute » et « tout le monde est logé à la même enseigne » est en fait un trouillard. Un vrai dégonflé. Il s’estime gardien de l’ordre mais il redoute le reproche, l’échec, le commentaire de son supérieur à qui, au grand jamais, il n’oserait s’opposer.

Il a en lui une faille gigantesque. Un comportement dénigrant de ses parents, une rupture douloureuse, ou quoi que ce soit : il se sait imparfait mais voudrait tellement l’oublier.

Le « C’est comme ça » a besoin d’approbation et caché derrière le règlement il ne peut pas se tromper. Il aime être valorisé : il a bien travaillé, bien respecté les règles, c’est un bon petit soldat.

Ce qu’il ne va pas supporter, c’est le sarcasme. Ni de la part de celui qui lui donne les directives, ni de celui à qui il pourrit la vie pour respecter les directives du premier.

Et si par malheur la victime du « c’est comme ça » fait appel à son bon sens, son empathie, il va se rigidifier. Et ce n’est pas avec vous qu’il va se dire : tiens ce serait cool d’analyser un peu mon comportement, de voir si c’est vraiment futé ce que je suis en train d’affirmer, si je ne devrais pas être un peu plus souple…

Non avec vous, il est sûr de lui. Il persiste. Faites appel à sa clémence, il s’obstine, dites-lui qu’il manque de logique et là vous êtes mort !

Votre seule issue : lui donner raison.

« Bien sûr que oui, c’est votre rôle de faire respecter le règlement d’ordre intérieur. Je comprends bien qu’on ne peut pas boire dans le local de formation, même s’il pleut dehors, que les participants sont là depuis 4 heures et se déshydratent. Je comprends bien qu’il y a un risque de faire des taches. Même avec les adultes il faut être prudent, c’est si vite arrivé. »

« Vous avez raison, l’heure c’est l’heure et je suis en retard. C’est entièrement ma faute. »

« Vous avez raison, il y a des débordements qu’il ne faut pas laisser passer, ça mérite une punition. Je suis désolé. »

« Vous avez raison, j’ai manqué de persévérance… »

Normalement, « C’est comme ça » va grogner et en rajouter un petit peu, le menton en avant. Histoire de vous montrer que c’est lui le Cerbère.

Mais il est apaisé. Même s’il reste sur ses gardes.

Imaginez un peu sa tête si vous aviez dit : Mais c’est n’importe quoi votre règlement. Ils ont soif, ils boivent, on n’a pas trois ans ! Et vous n’avez pas vu le trafic ? Vous n’allez pas chicaner pour 5 minutes de retard. C’est bon là, 100 euros d’amendes pour un papier mal rempli ? Vous délirez !

Vous en mourrez d’envie, mais ce n’est pas ce que vous allez faire. Restez-en au poli « vous avez raison ».

Mais si « c’est comme ça » est calmé, rien n’est encore gagné. Si vous n’avez pas remporté sa confiance, vous avez au moins dissipé sa méfiance. Hélas, ça ne vous donne pas le droit de boire.

Alors cessez d’espérer : vous ne l’aurez pas. Vous pouvez toujours tenter de faire votre coup en douce quand il a le dos tourné (maintenant qu’il est moins méfiant) ou, beaucoup mieux, lui dire que vous vous portez garant. « Il n’y aura pas de tache. Et s’il y en a, je remplace la moquette ».

En faisant cela vous lui enlevez la responsabilité. Deuxième soulagement.

Pour que le « c’est comme ça » s’assouplisse finalement, il va vous falloir de la patience, beaucoup de gentillesse, de l’abnégation et peut-être quelques heures de yoga.

Retenez que le « vous avez raison » est salutaire.

Et si d’aventure, dans les jours qui viennent, quelqu’un utilise cette formule avec vous alors que vous percevez qu’il n’est pas du tout d’accord avec ce que vous affirmez, c’est que vous êtes un « C’est comme ça » et que vous avez intérêt à vous remettre en question avant que tout le monde lise cet article.

Geneviève


Geneviève Smal 1 mars 2024
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