L’air fraichit, l’herbe est brillante et les oiseaux ont l’âme voyageuse. Ça sent bon la campagne. Non plus celle, morne et terriblement prévisible des années précédentes, mais celle, qui en musique, scande « votez pour moi, p…p…p…pour moi ! »
Pas un matin ne passe sans que nos journaux et réseaux sociaux ne nous présentent l’un ou l’autre clip de campagne. Ils sont tournés en plan séquence le plus souvent, en playback plus ou moins réussi et en musique toujours.
Et qu’y a-t-il de plus amusant à regarder qu’un clip de campagne, affalé dans son canapé, un café à la main ? Dites-moi ?… Les nombreux commentaires des internautes, pardi !
Tout clip confondu, on peut lire, sous la vidéo, pas mal de railleries, mais aussi quelques propos offusqués, et à vrai dire, peu de « Génial, j’adore ! ».
Alors, d’où vient cet engouement, cet envie pressante de se cliper en musique, après s’être étalé en affiche ? Que cherchent vraiment les candidats, outre le plaisir du déhanchement collectif ? Et surtout, ce moment en vidéo, va-t-il ouvrir le sésame de l’urne pleine ?
L’ampleur du phénomène mérite de se poser quelques questions.
Le lip dub, proprement dit, et sous cette dénomination, est une trouvaille de Jake Lodwick, fondateur de Vimeo, qui avait trouvé amusant, en 2006, de se filmer dans la rue en train de chanter avant de doubler sa voix. Celui, très regardé, des étudiants de l’université de Québec, sur la musique des Black Eyed Peas, a donné le coup d’envoi et ouvert une brèche dans la créativité lipdubienne. Ces premiers clips se veulent bon enfant, création et amusement étant leur gouvernail.
Ce ne fut pas forcément le cas de ceux qui suivirent, revendiquant une cause, mettant en exergue un conflit, portant à bout de playback une opinion précieuse.
A partir de là, tout était possible. Gardant la ligne droite de « bonne humeur », le lip dub parcourt un chemin entre cohésion d’équipe, demande en mariage, mise en valeur d’une entreprise, éloge (pas encore funèbre, mais il y a de l’idée…)
Le clip chanté ne serait donc que l’arrière petit-fils de l’épopée, de la chanson de gestes, du dithyrambe, de l’épithalame et j’en passe…
Mais que veut vraiment notre candidat chanteur ? Au hasard : faire sourire, se démarquer, informer de son programme…
Et qu’en est-il vraiment ?
Si le lip dub provoque un sourire, on voit qu’il est souvent teinté de sarcasme.
Le candidat se fait effectivement remarquer, oui. Mais plus l’outil est utilisé et généralisé, moins il est original. Le clip risque de se noyer dans la masse.
Un peu comme le programme, étouffé par les rires, au pire, camouflé par la musique, au mieux.
Donc, reprenons : que cherche vraiment le candidat ?
Etre élu ! Mais sans passer pour un clown. Il tient donc à asseoir sa crédibilité en donnant un aperçu de ses compétences. On est loin du « votez pour moi parce que j’assure au karaoké » !
Pour cela, il est effectivement capital de sortir de la multitude. Chose plus aisée pour le candidat en tête de liste que pour le numéro 23 ou 42 qui en est à son premier coup.
Hum… se démarquer sans perdre en crédibilité… Pas simple. Mais peut-être peut-on gagner en proximité ? Un lip dub mal fagoté offre un arrière goût de « je suis comme vous » (sous-entendu : j’ai peu de matériel parce que ce n’est pas mon métier et que je n’ai pas de temps à perdre dans les finitions, en fait, c’était juste pour rire).
Bon, j’arrête de critiquer. Si vous êtes vraiment tenté par l’expérience, de grâce, faites ça bien. C’est à dire :
- Posez-vous les bonnes questions. Si vous avez lu « la parole en public pour les timides, les stressés et autres tétanisés », vous avez peut-être retenu qu’il y a une différence entre objectif : « qu’est ce que je veux obtenir/provoquer » et message : « qu’est-ce que je veux qu’ils retiennent de mon intervention ».
- Ajoutez-y une intention d’image : « J’aimerais qu’ils me trouvent sympa/compétent/arrogant/ridicule » (Biffez…)
- Trouvez une musique qui correspond à votre message (pas à votre objectif !) et là…attention. Evitez absolument la chanson dépassée de peu. Celle qui nous a noyé les oreilles il y a un an ou deux. Préférez le tube international ou carrément celui d’il y a 20 ans.
L’important est qu’il parle à tous. Que sa musique soit associée à un souvenir agréable (ce qui n’est jamais le cas de la chanson pas trop récente).
La musique est un excellent facilitateur de mémorisation. Un déclencheur d’émotion. Choisissez-là avec soin, ce n’est vraiment pas un élément à négliger.
- Ne négligez pas plus que l’équipe de tournage (des pros) de montage (idem) et de diffusion.
- Et surtout : donnez tout ! Ne faites pas les choses à moitié. Vous voulez vous faire remarquer, alors, lâchez-vous. Il n’y a rien de pire qu’un sourire de malaise dans un lip dub, qu’un petit pas gêné. Vous allez faire les choses à fond ! Et faire les choses à fond, c’est aussi une compétence que vous voulez mettre en avant non ?
Au boulot!
Geneviève