Vous avez rédigé votre intervention avec soin. Vous l’avez relue plusieurs fois, peut-être même devant des amis, dans votre bureau. Ils vous ont écouté attentivement et vous ont dit : « oui, c’est bien ».
« Oui, c’est bien » : le petit mot qui vous a donné confiance, vous pouvez donc vous lancer devant un public plus important.Vous venez de terminer votre première page et vous sentez que l’attention n’est plus aussi soutenue qu’au début. C’est léger, ténu, mais entre les lignes que vous parcourez, lorsque vous jetez un coup d’œil à l’assemblée, vous voyez certains visages se détourner. Vous percevez quelques murmures.
Cette sensation est désagréable. Votre message est capital, votre discours bien écrit. Vous y avez ajouté un peu d’humour mais ça ne fait pas rire grand monde.
Dans le fond de la salle, le chahut s’installe. Quelques « Chhhhhhut » fusent qui ne calment les impertinents que quelques secondes.
Vous sentez de petites gouttes perler de votre front. Vous êtes sans doute trop lent, pensez-vous. Vous décidez d’accélérer. Le rythme de votre discours s’emballe, vous braquez vos yeux sur votre papier pour ne pas sauter une ligne. Vous ne prenez plus le temps de regarder le public, il faut en terminer.
Dans votre tête, le chahut n’est plus un murmure, mais un réel vacarme. Un tapage, une révolte !
Vous osez un « ne vous inquiétez pas, c’est bientôt fini » qui achève de vous humilier. Vous vouliez leur dire : « ça ne va pas durer longtemps, de grâce, faites silence, écoutez-moi jusqu’au bout ». Mais vous leur avez en fait dit : « je suis pénible, je le sais, je suis mauvais, c’est un mauvais moment à passer et ça risque être encore long ! ».
Vous n’êtes plus l’orateur qui la parole-pouvoir, l’aura, le charisme. Vous êtes celui qui endort au mieux, qui perd en crédibilité au pire.
Il aurait été bien d’anticiper :
Le plus souvent, quand le public ne vous écoute pas, c’est parce qu’il ne vous entend pas. Une prise de parole en public exige une sonorisation parfaite. Et donc des essais de micros, souvent négligés.
Accrochez votre public. John Medina dans son livre « les 12 lois du cerveau » explique l’importance du hameçon, sorte de stimuli émotionnel à envoyer au public après 10 minutes de prise de parole. Selon le contexte (un public nombreux et debout vs. des élèves en classe) je vous conseille de « hameçonner » le public bien plus souvent. Une anecdote en rapport avec votre sujet, un exemple frappant, une question au public…
Racontez une histoire. Je n’ai jamais vu personne décrocher avant la fin du Petit Chaperon rouge ou de Pinocchio. Il en sera de même pour « l’incroyable progression de nos activités cette année », ou « les surprises qui vous attendent si je suis élu ». Je sais, vous hésitez à le faire, vous trouvez cela enfantin. N’oubliez pas que les adultes ne sont que de grands enfants.
C’est trop tard ? Vous n’avez pas anticipé et vous êtes noyé par des murmures de plus en plus puissants ? Voici quelques propositions :
Réagissez immédiatement. Ne faites pas comme si vous ne l’aviez pas entendu. Surtout, n’implorez pas le public de se taire, ne lui dites pas non plus qu’il ne reste que peu de temps. C’est à vous qu’il incombe de « faire un effort », pas à l’assistance.
Changer tout ! Variez les positions, la voix, le texte !
Levez-vous si vous êtes assis, venez sur le devant de la scène (en prenant le temps, pas la peine d’accélérer). Si vous montez sur la chaise, tout le monde se taira, je peux vous le dire. Reste à trouver une raison de la faire, en accord avec votre objectif. (Par exemple : cette année, je prends de la hauteur ou j’aimerais voir Gérard, au fond, qui a contribué à… ou le changement, c’est maintenant ou… trouvez une idée attractive, mais surtout, préparez-là !) Ne le faites pas sans raison, ce serait vide de sens.
Changez d’inflexion de voix, mettez-y du rythme tout d’un coup. Ou ralentissez. Parlez plus fort, imitez une personne célèbre, scandez un slogan, répétez une phrase choc. Osez quelque chose de différent. Et là, je ne parle pas de l’accélération « pour en finir au plus vite », bien sûr.
Décrochez de votre texte et changez le contenu. Tentez d’interpeller le public : « Pensez-vous que…? » ; « Parmi l’assemblée, qui a déjà…? » ; « Vous souvenez-vous de cette année où…? ». Bref, remplacez les « moi moi moi » en « vous vous vous ». Vous le savez, « il n’y a que moi qui m’intéresse ». En bref, parlez-leur d’eux. Vous, ils s’en fichent !
Et franchement, si Barack a osé le faire, vous le pouvez aussi!
Geneviève