Très Saint-Père,
Tel Arnolphe désirant épouser une jeune fille innocente au sortir du couvent (1), j’aime conseiller les papes dès qu’ils entrent en fonction, lorsqu’ils sont encore empreints de fraîcheur.
Je ne vous laisserai donc pas vous reposer sur votre statut nouvellement acquis, François, premier du nom. Vous serez mon Agnès. Il nous appartient désormais, à nous deux, de faire de vous un tribun, avant qu’un dévot vous guide maladroitement.
Lors de votre première apparition, vous avez rapidement donné le ton. Votre discours semblait un brin improvisé et vous avez laissé paraître vos émotions. Vous filez également un coup de main pour placer votre écharpe. D’emblée on se dit : celui-là, il ne se prend pas la tête.
Et c’est confirmé plus tard lorsque vous vous exprimez : vous avez les sourcils de la naïveté. Excellent truc connu de tous les vendeurs de tapis pour inciter le chaland à acheter. Les sourcils hauts aident à convaincre mais font aussi partie de la panoplie des gentils et des naïfs.
Souvenez-vous de ceux de Richard Anconina le perpétuel étonné de « Itinéraire d’un Enfant gâté ».
Bref, vous paraissez savoir ce qu’il faut faire pour séduire un public.
Un public relativement acquis disons.
Un public qui s’est déplacé. Un public de fidèles.
Il reste les autres. Les mécréants, les Sarrasins, les infidèles, les païens, les impies, les renégats, les égarés et ceux qui s’en moquent. 6 milliards d’humains quand même. Au bas mot. Ce n’est pas à négliger.
Et c’est un projet bien ambitieux que d’évangéliser le monde, remplir les églises, motiver, faire adhérer à ses idées, inspirer, surtout de convaincre ceux qui n’en ont que faire, qui vous conspuent, qui vous honnissent.
Mais, grâce au Ciel, je suis sur votre chemin. Et je suis une excellente coach papale !
Certes, un peu orgueilleuse, mais le Grand Livre de la Si-Trouille ne dit-il pas, au chapitre 2, verset 7-9 : « Tu t’estimeras à ta juste valeur, jamais tu ne feras preuve de fausse modestie et tu ne nieras point la force de tes talents » ?
Voilà qui est dit, maintenant, commençons !
Vous avez peu de temps pour vous révéler. Vous connaissez le pouvoir de la première impression. Usez donc de cette image positive que vous avez donnée de vous-même sur le balcon de la place Saint-Pierre.
Vous êtes devenu un leader malgré vous, et vous êtes bien soutenu par le décorum, le protocole et les costumes scéniques. C’est une stratégie marketing au poil !
Mais largement insuffisante, si l’on en juge par le nombre de vos détracteurs.
Vous le savez, le leader est charismatique, empathique, humain, convaincu, crédible, assuré mais il reconnaît ses erreurs. Je vais vous donner trois trucs faciles.
1. Reconnaître ses erreurs
Voilà un point intéressant.
Dans le livre « les Erreurs des Autres », dont les références sont ci-dessous, les auteurs expliquent qu’il est d’usage d’invoquer des circonstances ou de rejeter la faute sur un autre, lorsque nous sommes confrontés à nos propres erreurs.
L’erreur non reconnue agace, irrite ! Le leader, aussi charismatique soit-il, perd toute crédibilité au moment même où il s’entête à nier l’évidence. Regardez nos responsables politiques, certains ont même développé un mouvement d’épaule (dit « de Caliméro ») pour appuyer leur sincérité.
N’entrez pas dans ce piège. Vous perdrez immédiatement le bénéfice de cette première image. Regardez franchement derrière vous. Soyez transparent. Et n’hésitez pas à déclarer de temps en temps : "j’ai foiré".
2. Développer son empathie
Peut-on être bon et intelligent et s’opposer au mariage gay, à l’égalité des sexes et à la contraception ?
C’est ce dont vous devez nous persuader si vous voulez récupérer un autre milliard de potentiels fidèles.
Notez au passage que si vous changez d’avis à propos des propositions ci-dessus, vous en récupérez bien plus et n’en perdrez qu’une poignée. A vous de voir…
Développez donc votre empathie. Nous savons depuis une dizaine d’année que nous sommes munis de neurones miroirs. Vous ne devriez même pas avoir à faire d’efforts.
Le leader est humain. Il connaît ses ouailles. Il est à l’écoute. C'est le moment de prêter une oreille à ceux qui hurlent.
3. Oser changer
Il paraît, on le dit souvent, qu’un homme ne change pas. Que lorsqu’on le choisit, il faut le prendre tel quel, en l’état.
Pour avoir fait de nombreuses fois l’expérience du contraire, même avec des hommes d’Eglise, je vous assure que ce n’est pas vrai.
Je vous souhaite d’être comme le bon vin.
Geneviève
(1) Pour les non littéraires ou les curieux de réviser leurs classiques http://fr.wikipedia.org/wiki/L'École_des_femmes