Avez-vous remarqué ? Depuis quelque temps, on peut lire ça et là, des articles évoquant la forme d’un discours plutôt que le fond. Ces articles, lorsqu’ils paraissent dans la presse en ligne, sont souvent suivis de commentaires peu agréables, voire agressifs, dénonçant l’inutilité du propos.
« Le contenu d’un discours n’est-il pas bien plus important que la façon dont il est prononcé ? »
« On se fiche de l’emballage, occupons-nous des mots ! »
« Le geste est superficiel, la voix accessoire, l’analyse des mimiques inutile. » ajoutent les grogneurs.
Bref, l’analyse du non verbal en prend pour son grade. Il ne faut pourtant pas être très observateur pour constater l’effet que la forme peut avoir sur le fond, l’impression de malaise que peut éprouver le public si l’orateur se tortille ou reste hyper-statique, statufié sur sa chaise. Chacun perçoit, à sa manière, l’importance de l’apparence et le caractère qu’elle revêt.
Prenons pour exemple les discours royaux de Noël. Entre la dinde et le fromage, les yeux rivés sur votre écran, l’atonie du Roi Albert ne vous a pas échappée. Peut-être, sans vous en rendre compte, avez-vous vu le sapin décoré, le bouquet de fleurs rouges, l’intérieur très sombre, et vous êtes-vous dit :
- Toujours la même déco
- Y a pas beaucoup d’intonation
- Il ne pète pas la forme
Curieux comme vous êtes, vous vous êtes empressé d’aller voir si l’herbe était plus verte ailleurs.
Et zappant à la hâte, vous êtes tombé sur le Roi dEspagne, Juan Carlos. Et là, votre subconscient a pensé pour vous :
- Tiens, il est debout
- Quel désordre sur son bureau
- Il ne pète pas la forme
Impatient de savoir si un virus léthargique avait frappé la Royauté, vous avez sélectionné une chaîne anglaise et la Reine Elisabeth, impassible devant le sapin vous a donné envie de dire :
- Tiens, elle est debout
- Elle est un peu raide
- Elle ne pète pas la forme
Rendons-nous à l’évidence, ce ne sont pas de joyeux drilles, ni des fanfarons, encore moins des boute-en-train.
"Mais après tout, on s’en fiche non ?"
En fait, pas tellement. Peut-être ce souvenir de « pète pas la forme » va-t-il s’ancrer dans notre mémoire, imprimant par extension une impression tenace d’immobilisme national plutôt que de stabilité du Royaume.
L’énergie, le dynamisme d’un dirigeant est l’image de son pays, de son entreprise.
Certes, nous avons en Espagne un roi assis sur son bureau, qui adopte une posture décontractée. Nous voyons une Reine d’Angleterre qui joue avec les nouvelles technologies et donne la possibilité aux téléspectateurs de l’admirer en 3D (qui a une télé 3D ici ?) et notre roi des Belges est un peu à la traîne avec son éternel décor tristounet.
Mais le plus flagrant, devrais-je dire dérangeant, est ce manque de dynamisme, cette morosité, presque un abattement.
Sire, Your Majesty, Su Majestad, redressez-vous et élevez ainsi fièrement l’humeur de vos ouailles!
Fuyez la morosité, les visages figés, les intérieurs de naphtaline, la voix morne et le sourire insipide.
Jouez de votre corps, faites-en le messager de votre discours, le révélateur de vos convictions ! Ne vous touchez plus les doigts sans cesse, comme si vous ne saviez que faire de vos embarrassantes menottes, écartez vos bras, dévoilez votre enthousiasme !
Promettez-moi de ne plus nous assoupir. Soyez l’interlude lumineux de nos prochains Noëls et l’événement festif des futures fêtes nationales.
Geneviève